mardi 7 janvier 2014

De nouveaux compagnons...

Ma mère dit toujours que la vie est une éternelle surprise, à laquelle on est plus ou moins bien préparé.
Ces paroles pleines d'une sagesse toute parentale se sont encore vérifiées ce matin, alors que j'étais tranquillement en train de siroter mon verre de lait dans quelque modeste auberge d'une non moins modeste bourgade dont le nom m'échappe.
Appelons-la Boueville, mais je vous jure qu'il n'y a là nulle moquerie : ce qui m'a marqué d'elle est avant tout sa rue principale pleine de gadoue, qu'il est littéralement impossible de traverser sans se crotter les chausses jusqu'aux genoux.
C'est donc en un matin pas si différent des autres (temps humide, mines maussades et blasées des adultes, airs émerveillés des gamins devant un Lion de deux mètres de haut tout en habit) que mon voyage, passé dans une relative quiétude durant les six mois précédents, connut un tournant avec l'irruption de ce curieux petit personnage dans l'auberge.
A son accoutrement efféminé, il s'agissait d'un mage.
A son visage jaunâtre, il était mal en point. Non qu'il ne fût jaune d'habitude, ceci dit : je commence à avoir vu passer suffisamment d'ethnies des plus diverses et étranges pour reconnaître un elfe doré quand j'en vois un. Cependant, ce jaune-là était manifestement signe d'un problème de santé, impression renforcée par la détresse de ses traits.
Voire complètement confirmée par l'appel qu'il lança à la cantonade.
"Amis", débuta-t-il, "je requiers votre assistance pour un problème qui est une question de vie ou de mort pour moi."
Au contraire des autres, je l'écoutais déjà attentivement lorsqu'il ajouta "Je peux payer.", parvenant ainsi à captiver instantanément l'auditoire, comme s'il racontait la bataille épique entre Mumbasa-aux-Deux-Pattes et Firys, le Dieu Hyène.

Le Père Lion nous enjoint d'aider ceux qui sont dans la détresse dans la mesure de nos possibilités, sans chercher à obtenir quoi que ce soit en retour, et c'est en suivant ce précepte que j'allai le voir, le visage mal dissimulé par une lourde capuche qui ne pouvait tout à fait dissimuler mes traits.
"Quel est donc votre problème, ami ?", lui dis-je en m'approchant.

Il me raconta donc son étrange histoire : il faisait route vers la capitale locale en compagnie d'une troupe lorsqu'ils furent attaqués par une escouade d'orques.
Ses compagnons furent massacrés mais lui eut la vie sauve en échange d'un "service" aux conditions très particulières : il devait retrouver le Crâne de Gruumsh, relique maléfique dérobée à la tribu quelques lunes plus tôt. Et pour s'assurer de la diligence de l'elfe, le shaman l'empoisonna volontairement d'une substance qui mettrait trois jours à le tuer.
Avant ce délai, il devrait donc être de retour avec le crâne pour recevoir l'antidote.

Je lui offris mon aide, doutant toutefois que mes compétences thaumaturgiques fussent suffisantes pour arrêter la progression d'un mal que je devinais complexe et puissant. Mais si je ne pouvais le guérir, je pouvais peut-être l'aider dans sa quête et, s'il mourait trop tôt, tenter de me débarrasser de la relique.
Commençant à connaître les orques, mon instinct me disait que ce n'était pas une babiole pour les enfants de cœur. Combattre le mal, c'est souvent faire le bien.

"Je peux vous aider également, si vous y mettez le prix."

Fait rare, la voix rocailleuse qui venait de prononcer ces mots semblait venir de plus haut que mes propres oreilles… Je me retournai pour découvrir… en parlant d'Orques, c'en était un ! Mais celui-ci était toutefois très différent de ceux que j'avais rencontrés jusqu'alors : il me dépassait d'une bonne tête et semblait si massif que je paraissais presque freluquet (presque !) en comparaison.

Sa stature et l'immense double hache dans son dos fleuraient bon le poète en puissance, mais au moins ses motivations étaient claires : l'argent. Il était suffisamment appâté par le gain pour admettre de travailler pour un elfe, ce qui n'était pas peu dire.
Malgré une autre annonce à voix haute, personne d'autre ne semblait vouloir joindre nos rangs ; c'est donc à trois que nous empruntâmes le chemin vers la capitale Grand-BoueVille, certains indices laissant penser que le voleur du crâne pourrait s'y trouver.

Nous n'allâmes toutefois pas bien loin : cela faisait à peine que quelques kilomètres depuis le départ de l'auberge lorsque l'Orque (ou plutôt l'Orogue) nous signala que nous étions suivis… un peu tardivement puisque le petit personnage qui se tenait près de nous jouait à jongler avec la bourse du mage !
L'elfe lunaire qui nous toisait nous avait pisté discrètement puis dérobé afin de nous montrer ses talents, réels à n'en pas douter, même si pour ma part je le trouvais bien petit. Sa vénalité, toutefois, n'avait manifestement rien à envier à celle du barbare qui nous accompagnait !
L'altruisme prôné par Mumbasa avait bien du chemin à faire vers le cœur des êtres intelligents…

C'est donc désormais quatre que nous poursuivîmes notre chemin vers Grand-BoueVille, sans plus de perturbations.

Grand-BoueVille était… comment dire. Voyons, si je l'ai surnommée ainsi, gageons que ce n'est pas pour son ambiance florale, ni la netteté de découpe de ses routes pavées.
Et toujours cette pluie incessante… J'avais connu plus de pluie lors du dernier mois que lors de mes seize premières années, et commençai à oublier la douce chaleur des rayons solaires…
Nos indices nous menèrent jusqu'à une auberge où notre homme était censé vivre. Il était même encore  sur le registre, d'après la tenancière édentée ! Peut-être allions-nous être chanceux et tomber sur le crâne illico ?
Nos espoirs furent bien vite balayés par le poids semblant barrer la porte de sa chambre ; ça ressemblait fortement au blocage que pourrait procurer un cadavre… Ce qui nous fut confirmé après que nous eûmes défoncé la porte : la pièce était parfaitement vide de toute activité quelconque, excepté un homme ouvert en deux comme une babane trop mûre qui s'avéra être celui que nous cherchions…
Interrogée, l'aubergiste nous révéla que notre homme avait reçu la visite d'un commerçant avec qui il était manifestement en affaire et qui l'avait ouvertement menacé…

C'était désormais la seule piste dont nous disposions et nous partîmes à la recherche d'informations sur cet homme, dans ces ruelles sombres et boueuses (je vous avais déjà parlé de la boue, je crois ?).
Notre elfe pâlot détecta que nous étions de nouveau suivis (quelle manie !) et nous décidâmes de tendre une embuscade à nos poursuivants, au détour d'une vieille bâtisse au toit de chaume.
Nous découvrîmes deux hommes visiblement très surpris de se faire tomber dessus… L'un d'eux fut même complètement tétanisé lorsque l'Orogue lui intima de ne plus bouger !
J'eus moins de succès lorsque je tentai d'attraper l'autre : ce dernier parvint à me glisser entre les pattes et s'enfuir comme s'il avait le dieu Hyène aux trousses.


Nous avions toutefois au moins une personne à interroger, afin de tenter de remporter cette course contre le poison…

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