samedi 29 janvier 2011

Ça fait réfléchir…

Tout ça en vient à remettre en cause l’identité secrète. Je n’ai jamais cédé à la facilité mais voir la team FF évoluer au grand jour c’est plus qu’impressionnant… Après l’entrainement et avant la rencontre virtuelle avec Sylvain le Surfeur qu’Howard vous a déjà conté j’ai effectivement accompagné la torche dans ses virées nocturnes et je dois dire que c’était autre chose que les petites soirées gentilles de Denver. Il s’autorise cette part de totale insouciance pour faire contrepoids avec les responsabilités inhérentes à un statut de héros populaire. Peut-être est-ce là le bon compromis, une façon de trouver un semblant d’équilibre dans cette vie si chaotique. Après notre petite tournée des places-to-be, il m’emmène dans un tout autre univers, un petit circuit privé en périphérie. Là dans le hangar 3 véhicules sous des bâches et on devine juste à la silhouette que ce ne sont pas des Cadillac Eldorado. D’un geste (pour le moins théâtral) il en découvre 2 en même temps, et étonnamment un même sourire arrive sur nos 2 visages.

2 machines des séries CART, personnalisées aux couleurs de Storm, et aux réglages bien affûtés d’après ce qu’il m’annonce énigmatiquement. Le démarrage me confirme cette affirmation. Le temps de se changer je prends place aux commandes du bolide et les vibrations du bloc me font ressentir le poids de la situation. Je m’apprête à tourner sur un circuit privé au volant d’un monstre dont les limites sont 95 fois sur 100 bien plus loin que celles des pilotes qui les utilisent. Et accessoirement, je suis en heads-up avec Johnny Storm… Aouch… Rarement j’ai ressenti la pression des événements mais là je me suis vraiment dit qu’il allait falloir assurer…

Tours de chauffe en décalé : Storm s’élance sans ménager la mécanique et n’est bientôt plus en visuel. Je prends la piste à mon tour et j’essaie d’oublier tout ce que je viens de dire. Le passage de l’autre voiture, sollicitée à froid, laisse encore derrière elle un parfum de gomme et d’huile. Sans grande surprise la piste est parfaite, de part son état bien sur mais surtout parce que tous les types de pièges sont représentés. L’épingle après la ligne droite, la chicane en aveugle, la double courbe, les virages rapides enchainés, etc. J’imagine facilement qu’il a dû en dessiner le tracé lui-même pour obtenir un tel résultat.

La température monte, le temps de s’habituer mes accélérations se font plus franches à chaque virage, mes freinages plus tardifs, mes reprises de plus en plus anticipées, mes sensations récentes en vol se révèlent être une aide précieuse (et inattendue). Les pneus montent en température et accrochent de mieux en mieux. Les sonorités du 10 cylindres suralimenté se font de plus en plus aigües et de plus en plus sauvages, je sens la poussée qui semble ne jamais s’arrêter me tasser de plus en plus dans le baquet minuscule.

A la fin du 3éme tour toute la mécanique est brulante prête à en découdre et justement en sortant du dernier virage j’aperçois au loin la monoplace de Storm à l’arrêt sur la ligne de départ, pas difficile d’imaginer ce qu’il a en tête.

Je rentre les vitesses, me décale et viens me placer au ralenti à sa droite. Sans même me regarder il actionne un petit bouton des feux de départ s’initialisent à 30 mètres devant nous. Je le vois sourire, toujours sans me regarder et c’est à grands coups de rupteur qu’il communique.

4 lumières et ce sera parti…

Rouge…

Le son devient assourdissant, je sens la tension monter, j’ai les mains moites comme jamais ça ne m’était arrivé auparavant même ces dernières semaines (où pourtant il y aurait eu de quoi…)

Rouge…

Je stabilise mon compteur aux alentours de 9000 tours en espérant éviter le patinage au démarrage si j’accélère trop fort…

Rouge…

Je ne pense plus à rien, ma jambe se crispe, ma tension est maximale, nous avons des réflexes au-delà des capacités humaines classiques, ce départ sera décisif….

Vert…

Les 2 missiles sol-sol s’élancent dans un vacarme indescriptible, un très léger patinage pour les deux, non désiré pour ma part, calculé au millimètre (pour le style) par Storm, laisse une légère brume bleutée derrière nous…

Tout va très vite et un trou noir dans ma tête, je parviens juste à me rappeler que j’ai suivi la cadence tant bien que mal. En quelques virages il prend l’ascendant et mène la danse, pour autant il ne parvient pas à me semer et au fil des tours je reste comme je peux au contact me disant que quoi qu’il en coûte je tenterai quelque chose.

Aucune franche occasion jusqu’au dernier tour, dernière épingle gauche avant la longue d’arrivée je plonge à l’intérieur en freinant une microseconde après lui, mais j’arrive trop fort je sors plus large et me retrouve à sa droite, mon aileron avant à la hauteur de son pneu arrière, pas besoin d’aller jusqu’à la ligne d’arrivée, je sais déjà que je ne l’aurai pas, mais ça n’empêche pas d’essayer, je soude l’accélérateur et au sursaut de sa machine je vois que mon adversaire en fait autant, de là où je suis je perçois les passages chromatiques de son échappement qui tournent vite au rouge vif, la rage du moteur se fait plus intense que jamais, un coup d’œil sur le compteur, 19.000 tours, les stands défilent à une vitesse hallucinante, et nous franchissons la ligne d’arrivée dans les roues l’un de l’autre, et c’est toute la tension qui peut enfin s’évacuer, je suis nerveusement épuisé…

Nous regagnons les stands et je vois qu’il a l’air content de lui mais ne porte aucun signe d’une quelconque tension, il a juste fait la tournée des boîtes et 3 tours de circuit à fond, une soirée classique quoi…

Nous échangeons brièvement sur la course et d’un coup je décèle une furtive hésitation, suivie d’un « Je vais te montrer quelque chose… »

Il soulève la 3éme bâche et je vois un véhicule comme jamais je n’en avais vu, sorte de croisement entre une F1, et un proto Le Mans, sortie directement d’un film d’anticipation…

Il s’installe aux commandes et s’élance sans attendre.

Le seul souci ? il est de retour après un tour de piste quasiment trente secondes plus tôt que les meilleurs chronos que nous venons d’effectuer…

Décidemment oui, ça fait vraiment réfléchir…

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